La toute récente perte du croiseur Moskva par la Russie lors du conflit ukrainien a remis en lumière le combat naval, et fait prendre conscience au grand public qu’au-delà de la fascination exercée par une flotte de combat, instrument et symbole de puissance d’une nation, un navire de guerre moderne peut encore couler… Et si le cinéma s’est depuis longtemps emparé du symbole, d’Octobre Rouge à Battleship en passant par Das Boot, le jeu vidéo n’a pas encore pleinement exploité la dimension navale des conflits.
Illustration ci dessus: présentation du DLC “Naval Strike” de Battlefield 4 (2014).
Un objet vidéoludique complexe
L’histoire navale militaire passionne car elle est faite d’innovations, d’aventures, de personnalités fascinantes et de batailles tragiques. Tout ce qui est nécessaire à un bon scenario de jeu vidéo… Mais si les combats navals, aéronavals et amphibies ont depuis longtemps investi le domaine des jeux d’action (comme dans les grandes scènes de débarquements de Call of Duty ou Medal of Honor), ce n’est pas ce que recherchent les vrais adeptes de la guerre navale.
De fait, c’est peut-être la série de jeux de stratégie “Total War” qui a le mieux exploité la puissance des grandes flottes du passé dans ses différents opus. Ainsi, dans Empire, en 2009, les flottes ont une importance capitale dans le contrôle du monde au XVIIIe siècle, et c’est aussi le cas dans les épisodes qui concernent Rome (notamment dans le contrôle du bassin méditerranéen et la lutte à mort contre Carthage) et la Grèce Antique (où mes trirèmes athéniennes sont indispensables à la lutte contre la Perse).
Assassin’s Creed Odyssey offre quelques moments épiques en mer Egée !
Ubisoft avait aussi tenté de rendre compte de la fureur des abordages dans son Assassin’s Creed Black Flag. Si la gestion de l’artillerie navale est totalement farfelue, avouons que les combats à l’arme blanche se prêtent parfaitement aux assauts sur les ponts des galions espagnols. Origins (2017) et Odyssey (2018) ont tenté de réutiliser la recette (qui aurait pu imaginer autre chose de la part de l’éditeur ?) en la transposant à l’Antiquité, mais le résultat est assez décevant… Espérons que Skulls and Bones, l’arlésienne du jeu de pirate, vienne rectifier le tir !
La 2ème Guerre Mondiale, un marché à part entière
S’il est bien une période de la guerre navale surreprésentée dans le jeu vidéo, c’est bien la Seconde Guerre Mondiale. C’est vrai qu’elle offre deux axes scénaristiques majeurs, avec l’avènement de l’aéronavale (avec la guerre du Pacifique et ses affrontements épiques, surtout rendus dans des simulations aériennes) et surtout du sous-marin et de son alter-ego, le destroyer (bataille de l’Atlantique), mais aussi.
De fait, la série des Silent Hunter (édités, puis développés par Ubisoft) a, depuis presque 30 ans, des fans inconditionnels qui continuent à modder des jeux qui saisissent toujours par leur réalisme et leur technicité. Elle a aujourd’hui des héritiers variés, comme “UBOAT” qui vous permettent, outre de combattre, de gérer l’ensemble de votre équipage dans des sous-marins fidèlement reconstitués. Ou encore “Destroyer – The U-Boat Hunter”, qui proposera bientôt de jouer le chasseur de meutes comme son lointain ancêtre, Advanced Destroyer Simulator.
Uboat (2019) vous permet de gérer votre équipage de sous-marin.
Pour être tout à fait objectifs, n’oublions pas non plus les grands jeux multijoueur à succès comme “World of Warships” ou “War Thunder” ont su rendre accessibles au grand public des affrontements longtemps restés austères. Surtout, ils assurent la transmission d’une certaine culture navale auprès des joueurs.
On atteint aujourd’hui un niveau de détails impressionnant: ici l’USS Arizona dans War Thunder.
World of warships, rare jeu donnant accès au magnifique cuirassé français Richelieu.
Le combat naval moderne : aussi passionnant que méconnu
Le combat maritime est donc plutôt à son honneur dans le jeu vidéo, mais il est une période qui reste assez sous exploitée : la période contemporaine, malgré quelques tentatives comme dans “Battlefield 4”.
Et pourtant, elle offre, elle aussi, des scénarios passionnants, avec des flottes à la pointe de la technologie et aux missions complexes, du renseignement à l’extraction de forces spéciales en passant par un conflit à grande échelle.
Ce désintérêt est peut-être à mettre au crédit des navires de combat modernes, bien moins badass que leurs prédécesseurs cuirassés et bardés de canons, mais qui offrent en réalité une force de frappe bien supérieure avec leurs missiles discrets mais redoutables, et bientôt leurs missiles hypersoniques, voire leurs railguns, initialement prévus pour équiper le destroyer furtif Zumwalt.
Quelques opus (toujours dans le monde du STR) ont tenté d’inclure le combat naval à leur gameplay et à leur narration, comme “Wargame – Red dragon” (2014), ou le très pointu “Command: Modern Opérations”, un jeu certes austère, mais doté de l’une des bases de données militaires les plus incroyable sur le marché. On peut aussi citer le mythique Fleet Command, édité par le leader mondial de la base de données militaire Jane’s, qui tente à la fin des années 90 de se lancer dans le jeu vidéo.
La relève est sans doute assurée : “Sea Power”, judicieusement sous-titré “Naval Combat in the Missile Age”, proposera cette année de vous plonger dans une guerre navale fictive de la Guerre Froide. Un parti pris très intéressant, d’autant plus que ce contexte a souvent été la base de techno-thrillers d’anthologie, et notamment ceux de Tom Clancy !
Sea Power vous placera dans les années 1980. Et oui, les F-14 Tomcat sont bien présents !
Espérons que cet article donnera des idées aux éditeurs : ce ne sont pas les scénarios inspirants qui manquent, de la guerre des Malouines à l’opération “Praying mantis”, fameux affrontement entre les USA et l’Iran dans le Golfe Persique en 1988…